Comme un film en noir et blanc. De la neige jusqu'au ciel, plombé et menaçant. Un temps à regretter la couette, la grasse matinée ou le p'tit blanc au marché de Chambéry. Un vrai film comme au temps du muet, où seul le frottement des skis sur la piste déserte troublait le silence de la station de Saint-François-Lonchamp. Neige grise et nuages d'encre de plus en plus sombres au fur et à mesure de la progression. Puis le vent s'est levé, violent, accompagné d'une courte averse de neige. Pour rester dans le ton, le blanc cassé du gypse et le gris-vert du granit balisaient le parcours.
Les conversions devenaient de plus en plus serrées. Jusqu'au moment d'opter pour les crampons pour s'accrocher à la pente raide, avec quelques passages à 35°. Un dernier effort et la vue de la monture cabrée dans la bourrasque achevait le tableau. Le Cheval noir était gris acier, belle sculpture métallique arrimée au sommet à 2832 mètres d'altitude. Les 1250 mètres de dénivelée auraient bien mérité une pause pique-nique, mais le vent ne faiblissait pas.
Neige dure dans la première descente, entre stems prudents et dérapages contrôlés. Et le premier cadeau est arrivé. Du bleu, du soleil, une pente adoucie et Sylvaine, l'organisatrice de la sortie, a proposé un de ces bonus dont elle a le secret. « Si ça vous dit, on descend jusqu'en bas dans le magnifique vallon de la Chambrette de la Platière. Il y a aura (juste) 350 mètres à remonter. » Comment refuser, quand la neige transformée et le beau temps revenu nous redonnaient des ailes. Les virages s'enchaînaient, insouciants et légers. Comme au cinéma, cette fois en couleur.
Qu'importe la dernière montée jusqu'au col dans la chaleur estivale, les muscles retrouvaient leur vigueur pour profiter de la descente jusqu'à la station.
Ce samedi 12 avril, cinq skieurs montés à l'aube de Chambéry ont tiré leur carte chance sous les sabots du Cheval noir.
Rédacteur : Jacques Leleu