Un Chambérien au Cervin ! 3e répétition hivernale de la voie Cerruti Gogna en face Nord
Le 16.04.2021, par BenoitP-9d5, 4 commentaires
3e répétition hivernale de la voie Cerruti Gogna en face Nord
Du 24 au 26 février dernier, Mathieu Detrie, Louis Pachoud et Pauline Champon ont signé la troisième répétition hivernale de la voie Cerruti Gogna en face Nord du Cervin (1100m, VI+, A3, M7). Première ascension féminine pour Pauline. Une voie marquante qui remonte le mur déversant du Nez de Zmutt, ouverte en juillet 1969 par Alessandro Gogna et Leo Cerruti, elle compte onze répétitions connues, dont deux en hiver.
Louis Pachoud est Cafiste à Chambéry, mais aussi guide et il intervient régulièrement dans les cycles de formation proposées par le Club. Nous avons souhaité mettre en lumière cette répétition majeure par l'un des nôtres. Un bon bol d'air en ces temps où nous souhaitons tou·te·s retrouver la montagne.
Récit d'ascension réalisé par Louis Pachoud
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Durant ces trois années, le GEAN (Groupe Excellence Alpinisme Nationale de la FFCAM) a permis à Pauline et Louis de réaliser leurs plus belles courses dans les Alpes avec notamment cet été l'ascension de Manitua à la journée en face nord des Grandes Jorasses en compagnie de Benjamin Guigonnet. Pourquoi ne pas remettre le couvert cet hiver avec Mathieu, un des cinq coachs du groupe ?

Aquarelle de l'artiste chambérien Paul de Chatelperron réalisée à l'occasion de la
répétition de la Cerruti Gogna par le GEAN.
Mercredi matin, vient le moment tant attendu de passer la rimaye après y avoir fait une dépose de matériel la veille. A 5h30 nous commençons à grimper dans les 400m de mixte du socle. Les conditions se révèlent sèches, nous obligeant à contourner une goulotte par une zone de rocher et de glace. Nous attaquons ensuite le mur raide. L'itinéraire est assez évident puisqu'il suit une longue fissure en arc de cercle qui raye le mur. Toutes les techniques d'escalade entrent en jeu : dry tooling, escalade artificielle, escalade libre. C'est réjouissant de passer de l'une à l'autre une fois l'éthique du libre laissée de côté. Surpris par la raideur de la face qui n'offre aucun relais confortable nous sommes soulagés de trouver un bivouac correct en fin de journée, me laissant le temps de fixer les deux longueurs suivantes dans un beau combat pour finir avant la nuit.


Mathieu Detrie et Pauline Champon dans le mixte du socle.
Louis Pachoud dans la L9.
Dernière lueurs du jours au bivouac
Jour 2 dans la face. "Bien dormi ? Moi non plus", nous repartons plein d'énergie. Les longueurs s'enchaînent à nouveau, mais toutes restent dures, dont deux particulièrement pour franchir une dalle qui se protège sur des rivets datant de l'ouverture. Mathieu, en tête à ce moment-là, se fait léger et s'en tire très bien. La suite nous mène, entre traversées scabreuses et longueurs de mixte en fissures, au supposé bivouac deux. La découverte est décevante : tout juste trois places assises, en pente... Le vent se lève et complète les réjouissances. Au point de rupture entre pratique et théorie, le choix est fait de continuer pendant qu'il fait encore jour, à la recherche d'un éventuel meilleur bivouac abrité du vent. Les premiers moments sont plutôt stimulants ; nous ne passerons pas la nuit à ce bivouac sordide ; le sommet se rapproche, et un soleil timide vient même nous accompagner dans les dernières longueurs dures du mur. Puis, la nuit tombe. Et avec elle, le constat qu'il n'y aura pas de meilleur bivouac, voire pas de bivouac du tout. Heureusement, nous sommes sortis des difficultés mais la fin est encore longue, 300m de mixte pour rejoindre l'arête Zmutt, puis, le sommet.
Mathieu Detrie dans L14, A2+, VI+ Pauline Champon dans la dernière longueur dure, L24, A2, VI
Comme dans le socle, les conditions ne sont pas idéales. Entre rocher et glace vive, la progression est assez lente, mais la pleine lune nous facilite la recherche d'itinéraire. C'est déjà ça. 4h10 nous atteignons le sommet. Trop tôt ou trop tard ? Difficile à dire. Heureux, mais conscients de notre engagement de nuit à 4400m en hiver.
Sommet à 4h10 du matin !
A ce stade, autant pousser jusqu'à l'abri Solvay situé à mi parcours de la descente où nous pourrons profiter d'un vrai repos. Rappels, désescalade, moments d'endormissement, deuxième lever de soleil, nous mènent enfin à Solvay. Hagards, 30h après avoir quitté notre bivouac, nous nous affalons. Une sieste réparatrice et nous continuons la descente de l'arête jusqu'au vrai point d'arrivée : le refuge
Hornli, atteint vendredi juste avant la nuit, dans une joie immense.

Derniers pas la cabane de Hornli (3260 m)
